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Les Pages de Clara
10 janvier 2012

L'Amour dure plus qu'une vie - Ann Brashares

E1

Je viens de terminer le livre d’Ann Brashares, L’Amour dure plus qu’une vie, publié par Gallimard Jeunesse. J’ai été spontanément attirée par le sujet dans la mesure où j’adore les histoires d’amour, surtout lorsqu’elles sont délayées avec un soupçon de fantastique. Forcément, comme j’écris exactement dans ce genre, je me sens en terrain connu !

Globalement, j’ai bien aimé cette histoire, même si elle s’est révélée décevante sur plusieurs points. Je précise qu’il s’agit du premier livre que je lisais de cet auteur, même si j’ai cru comprendre qu’elle avait signé auparavant plusieurs best-sellers.

Ce qu’en dit l’éditeur :

« Lorsque le beau et mystérieux Daniel avoue son amour à Lucy, la jeune fille est émue. Mais pourquoi l’appelle-t-il Sophia et prétend-il qu’ils se sont déjà aimés auparavant ? Troublée, Lucy s’enfuit, laissant Daniel au désespoir. Il était persuadé qu’elle se souviendrait de leurs vies passées, des siècles plus tôt. Le jeune homme se remémore ses vies antérieures, du soldat de l’Antiquité au chirurgien américain. Lucy voit peu à peu des souvenirs ressurgir. Et si Daniel avait raison ? Pour le savoir, elle décide de percer les secrets de son passé. Mais les forces obscures qui avaient séparé les deux amants refont surface… »

La bouleversante histoire d’une passion qui défie la mort. Laissez-vous emporter par une magnifique romance à travers les siècles par l’auteur de Quatre filles et un jean.

Mon avis :

Le postulat de départ est attirant : une histoire d’amour qui transgresse les lois du temps, qui se défie de la mort et se répète de vie en vie. Qui n’a jamais rêve d’être aimé(e) de façon inconditionnelle, absolue ? Et qui n’a jamais ressentie une impression de déjà-vu face à quelqu’un ? Sans être novateur (le sujet a déjà été traité de nombreuses fois), le thème reste très fédérateur. Grâce à l’argument de vente, mais aussi à l’aspect du livre, joliment relié et mis en page par Gallimard Jeunesse (la couverture est une belle réussite et fait du bouquin est bel objet, ce qui n’est jamais désagréable) on a envie d’acheter l’ouvrage. Malheureusement, et malgré de bons points, je n’ai pas eu le sentiment qu’il tenait toutes ses promesses.

L’histoire est celle d’un jeune homme, Daniel, doté d’une Mémoire exceptionnelle : d’une vie à l’autre, il n’oublie pas ses existences précédentes. Et à travers la toile des siècles, il cherche sans relâche la jeune fille qu’il a aimée dans ses nombreux passés. Hélas, celle-ci ne se souvient jamais de lui, faute de posséder la même capacité à se souvenir. Il lui reste bien des impressions, lorsqu’ils se parlent pour la première fois, mais elle prend peur et choisit de partir. Dans notre présent, ils se croisent dans le lycée où ils étudient, puis se perdent de vue à cause de l’aveu de Daniel, qui a tenté de lui révéler son secret…

J’ai eu un peu de mal à accrocher avec les personnages. Non pas qu’ils soient désagréables ou tête-à-claques. Ils sont plutôt… trop lisses. Voire même trop parfait, en ce qui concerne Daniel. L’influence de Twilight et d’Edward Cullen est patente au fil des pages : le héros est galant, prévenant jusqu’à s’oublier lui-même, faisant passer le bonheur et la plus petite joie de celle qu’il aime avant ses propres intérêts, etc. Malheureusement, le livre, qui tente de nous faire accéder à l’intériorité des héros, se perd en trop nombreuses considérations psychologiques. Nous n’ignorons rien des tourments de Daniel, que nous suivons pas à pas. Et si les pages d’action se comptent sur les doigts d’une main, les bavardages du protagoniste occupe bien 70% du roman.

J’ai parfois eu l’impression que Daniel en faisait trop –notamment dans la sensibilité, qui vire parfois à la sensiblerie. C’est un grand pacifiste, pour ne pas dire un humaniste (ce qui est loin d’être un défaut) mais on aimerait qu’il fasse preuve de caractère et qu’il se secoue les puces ! Dans le présent, il refuse de s’approcher de Lucy sans qu’on en comprenne la raison. Parce qu’elle l’a repoussé une seule et unique fois au bal du lycée, il n’ose plus jamais entrer en contact avec elle, pendant des années ! Il ne veut pas la brusquer ou lui faire peur avec ses histoires de vies antérieures ! L’argument m’a semblé mince pour un garçon fou amoureux. Savoir que Lucy est en vie non loin de lui suffit à son bonheur et le lecteur, de son côté, attend impatiemment le premier vrai baiser du couple… qui ne survient pas avant la page 343 (sur 388) !

De même, j’ai peiné à comprendre les sentiments de Lucy (et une fois encore, le parallèle avec la Bella de Twilight me semble avéré : jeune fille en marge, qui ne se ressemble pas aux autres adolescentes, qui vit dans son monde et se révèle très romantique, qui ne possède qu’une seule amie dont elle s’éloigne peu à peu…). Quand Daniel lui raconte qu’ils se connaissaient depuis 541, elle prend la fuite et se croit immédiatement folle parce qu’elle a envie d’y croire et pense se rappeler certaines bribes de passé.

Les vies antérieures ne sont pas un sujet tabou et incroyable à ce point, non ? Après tout, des millions de personnes (songeons aux hindouistes, aux bouddhistes) y adhèrent ! Même si elle pense Daniel bizarre, je ne vois pas pourquoi elle attend des années avant de s’intéresser plus à ce phénomène ni pourquoi elle pense sombrer dans la démence. Pour sa défense, il est vrai que sa sœur aînée Dana était folle et a connu de nombreux séjours en hôpital psychiatrique avant sa mort. Cela explique en partie la réticence de la jeune femme à s’investir dans la recherche de la vérité. Mais l’existence de cette sœur m’est un peu apparue comme un artifice de l’auteur pour expliquer et légitimer ses réticences. 

L’histoire est donc très lente. Heureusement, le cours linéaire du roman, qui raconte principalement le rapprochement des deux héros (et non leur histoire d’amour actuel), est entrecoupé par les épisodes des vies antérieures. Ann Bashares a eu la bonne idée de glisser des récits écrits de la main de Daniel, qui nous narre ses aventures dans le passé. On nous raconte plusieurs existences : celle où il rencontre Lucy/Sophia en 541, celle où ils s’aiment (mais pas bibliquement ;) ) pour la première fois, etc. Six existences en tout, avec un accent particulier sur celle où Lucy (qui s’appelait alors Constance) a promis de se rappeler de Daniel malgré la mort.

Les vies antérieures apportent une petite touche de peps au roman, qui s’avère surtout un récit de considérations psycho-romantiques. Le style de l’auteur est parfois assez lyrique, en particulier lorsqu’elle se substitue à la plume de Daniel. Il s’agit sans doute de reproduire les inflexions d’un homme qui n’est pas de notre temps, de souligner son anachronisme. Ce choix est à la fois pertinent lors des passages amoureux, qui sont jolis, et ennuyeux à d’autres moments –trop de délicatesse, trop de précautions, même dans le langage. Mais cette multiplication des « voix » dans le roman demeure séduisante.

Hormis dans les récits de Daniel, il n’y a pas beaucoup d’action, excepté à la fin du livre. Tout s’emballe dans les cent dernières pages. L’ancien frère de Daniel, nommé Joachim, ressurgit et se révèle le méchant de l’histoire. Il revient pour se venger de lui et résoudre leur contentieux : il était autrefois marié à Lucy/Sophia (qu’il battait) et que Daniel lui a enlevée, ce qu’il n’a jamais digéré. Dans le présent, il décide donc de séduire Lucy en se faisant passer pour Daniel… et elle tombe dans son piège tête baissée. Une nouvelle fois, la vraisemblance de l’histoire m’a un peu perturbée ! Joachim raconte une histoire abracadabrante à Lucy (il a volé un corps via son âme au moment de la mort de quelqu’un, ce qui lui a permis de changer de visage) et elle gobe tout. C’est d’autant plus étonnant qu’elle n’a pas voulu croire Daniel quelques années plus tôt (même si son point de vie sur le monde a bien évolué depuis). Et malgré le malaise qu’elle ressent en sa présence, elle se force à sortir avec lui.

S’en suit alors une aventure au Mexique où Daniel sauve Lucy et où le couple, traqué par Joachim, s’avoue enfin son amour avant de risquer sa vie l’un pour l’autre (la fameuse scène de la noyade, qui m’a aussi paru légèrement tirée par les cheveux, sans doute parce qu’elle était assez rocambolesque). A la fin du livre, où Daniel décide de combattre Joachim et Lucy va se cacher dans un monastère au Tibet… on pressent que L’Amour dure plus qu’une vie n’est en réalité que le premier tome d’une saga. Hypothèse qui aurait le mérite d’expliquer la lenteur de l’intrigue, qui s’avérerait une sorte de « mise en place ». Je me trompe peut-être, mais à mes yeux, ce récit appelle clairement une suite.

Cela dit, il n’y a pas que des points négatifs dans ce livre ! Loin de là ! Par exemple, j’ai beaucoup aimé l’histoire d’amour, pure et idéale –sans doute parce qu’elle s’adresse à des adolescents ou de jeunes adultes (je pense que le roman est destiné aux 16 – 24 ans). Les protagonistes sont prêts à tout l’un pour l’autre, les dialogues entre eux, les scènes romantiques sont réussis et bien ciselés. On est ému, sinon touché. On a envie de savoir ce qui va advenir de Lucy et de Daniel, qui, même s’ils sont longs à la détente, restent attachants. On se sent dépaysé par les récits des vies antérieures, unis aux héros dans leur lutte contre Joachim. En plus, le roman est bien écrit, fluide, agréable. On pense un vrai bon moment.

L’Amour dure plus qu’une vie n’est pas un livre que je déconseillerai, tant s’en faut ! Et surtout pas aux fleurs bleues !

Style : 15 / 20

Histoire : 13/ 20

Note globale : 14 / 20

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